Comme W. Edgar l'a indiqué dans son article de la Revue Réformée
(1990/1 ), la question du pastorat féminin est complexe, car elle exige
la prise en considération de nombreux éléments imbriqués entre eux. Le
danger est de commettre des erreurs de classement en affectant un
élément à une autre catégorie que la sienne et, ainsi, de lui
reconnaître
une fonction indue. Tel est souvent le cas pour Galates 3.28: Il n 'y a plus ni homme ni femme..., texte
qui traite du statut des fils de Dieu par la foi (3.25) et non pas de la
structure ministérielle dans l'Eglise; cette dernière interprétation suppose,
en effet, que ce verset soit extrait de son contexte.
Questions méthodologiques
Comment aborder les textes spécifiques du Nouveau Testa- ment qui
semblent -c'est du moins ainsi que la tradition de l'Eglise l'a compris
-ne pas admettre la femme aux offices de pasteur et de conducteur
d'Eglise? La plupart des avis émis sur le pastorat féminin
s'appuient sur des principes généraux. Par exemple, on peut entendre
des arguments en faveur du pastorat féminin qui font référence:
-à l'égalité de l'homme et de la femme,
-au changement intervenu dans la conception de l'autorité depuis l'époque
apostolique,
-au scandale que commet une Eglise en n'acceptant pas que des
femmes accèdent aux postes de responsabilité alors qu'elles le peuvent
partout dans la société,
-à la nature de l'Eglise qui doit être conforme au Royaume à venir et non au
monde avec ses pratiques humaines...
Ainsi l'on affirme:
a) que les textes spécifiques du Nouveau Testament n'interdisent pas le
pastorat féminin, comme on l'a pensé. Mais affirmer n'est pas prouver:
la charge de la preuve appartient, comme il est normal, à ceux qui
veulent innover et non à ceux qui ne le souhaitent pas. il faut montrer
que les textes qui parlent du rôle de la femme dans l'Eglise signifient
le contraire de ce que l'on a pensé jusqu'ici;
b) que l'apôtre est bien de son époque ou, autrement dit, que l'esprit
de son temps a façonné sa mentalité en ce qui concerne le ministère de
la femme. Cette dernière
affirmation n' est pas sans implication sur le statut de l'Ecriture et son
autorité; elle infère qu'il y a dans l'Ecriture des principes
généraux qui ne s' appliquent pas dans certains cas, ou même qui sont en
conflit avec certains textes particuliers. Le particulier est, en
conséquence, mis de côté au profit du principe général qui, lui,
exprimerait l'esprit de l'Evangile. En d'autres termes, concrètement, un
aspect de l'enseignement biblique est sélectionnée par l'interprète
et devient sa grille de lecture;
c) que le relativisme culturel est décisif. De même que l'Ecriture se conforme à son époque,
nous devons aussi nous y conformer. Cet argument est à double tranchant! Qu'arriverait-il
si s'instaurait une nouvelle «époque
victorienne» accordant à la femme un rôle opposé à celui que nous lui connaissons
aujourd'hui? J'ai peine à croire, que la plupart des partisans actuels du ministère
pastoral de la femme suivraient cette évolution pour cause de relativisme culturel.
Ils maintiendraient le pastorat féminin. Alors, pourquoi l'apôtre n'aurait-il
pas pu être fidèle à son «principe fondamental» de l'égalité, contre l'esprit
de son époque, si d'autres peuvent l'être? Ceci met bien en évidence que les
arguments culturels, ou de contextualisation, ne sont pas déterminants dans cette
discussion. Le fond du problème est ailleurs et correspond à l'idée qu'il y a
une contradiction, une inconséquence ou une non-application pratique des principes
généraux
dans l'Ecriture ou chez Paul.
Il y a, sans doute, une part de vérité dans la
référence qui est ainsi faite à ces principes. Il est certain que, comme
point de départ dans un débat, les textes du Nouveau Testament qui traitent
du ministère
et, en particulier, du rôle ministériel de la femme, peuvent sembler peu
plausibles. cependant, il convient de veiller à ne pas utiliser les principes énumérés
ci-dessus de telle manière que soient mises de côté, que soient obscurcies
ou contredites les affirmations claires des textes sur la nature du ministère
dans l'Eglise. Ce sont ces derniers textes, et non pas des principes généraux
mal utilisés, puisqu'en contradiction apparente avec eux, qui doivent déterminer
notre point de vue.
En effet, quand on commence avec des considérations
générales pour les appliquer par la suite à ce qui parle spécifiquement
du ministère, on interprète ces textes dans une lumière
qui n'est pas naturelle.
1. Comment savons-nous quel aspect de la «contradiction» de
l'apôtre (ou de l'Ecriture ) est le plus conforme à l'Evangile? L'apôtre
se réfère
au principe en Christ aussi bien quand il affirme l'égalité de l'homme
et de la femme en Galates 3.26, que lorsqu'il évoque la subordination de
la femme à l' homme en Ephésiens 5. L'apôtre semble penser que les deux
réalités
sont en accord avec l'Evangile.
2. De quelle nature est l'autorité de l'Ecriture
dans cette démarche ? Elle est comme annulée et le principe de l'analogie
de la foi est rejeté. Si nous choisissons nous-mêmes quelle partie ou
quel principe biblique nous voulons respecter, nous supplantons l'Ecriture
et
nous nous arrogeons son autorité.
Ainsi, la vraie question, dans le débat
sur le ministère de la femme, n'est
pas celle de la culture ou du contexte social, mais celle de l'autorité même
de l'Ecriture dans notre herméneutique. L'enjeu
de cette question déborde largement le sujet de cet exposé et s'étend,
par exemple, à la sexualité, à la famille ou au rôle
de l'Etat.
Approche herméneutique des textes
En 1 Corinthiens 11.5, Paul évoque les femmes qui prient et qui prophétisent et,
en 1 Corinthiens 14.34-35, il leur impose la règle du silence, comme aussi en
1 Timothée 2.11-12. Pourquoi cette interdiction, si une femme peut prophétiser?
Le premier texte a été utilisé en faveur du ministère pastoral de la femme et
le deuxième à son encontre.
Cette contradiction apparente est placée dans la même épître:
-elle ne peut donc pas s'expliquer en alléguant l'origine
non-paulinienne du texte comme on le fait pour la première épître à
Timothée;
-elle ne peut pas l'être non plus en disant que l'apôtre traite de situations
et de coutumes locales différentes.
Dans les deux cas, il est question de la prophétie et l'apôtre indique
une pratique uniforme dans les Eglises (11.16 et 14.33). De même,
en 14.34, Paul se réfère à la LOI en général, chose inhabituelle pour lui,
comme il le fait, de façon plus spécifique,
en 11.8-9. L'enseignement est universel et non local, avec des références à «tout
homme» et à «toute femme» et à ce qui est «malséant» dans
l'Eglise (11.4-5; 14.35).
Quel rapport y a-t:.il entre les deux passages
de I Corinthiens? Les parallèles indiquent que les deux passages traitent
la même question. il me semble que le texte du ch. 14.34-35 expose brièvement
ce que l'apôtre a développé de façon détaillée en I Corinthiens Il. Aussi
discerner un conflit entre les deux est-il le signe d'une mauvaise lecture.
Quelles règles herméneutiques
convient-il d'appliquer?
-I Corinthiens 14 est soutenu par I Timothée 2, ce qui lui donne,
sur I Corinthiens Il, préséance de «poids» dans l'interprétation;
-I Corinthiens 14 est plus clair que I Corinthiens 11, dont la lecture
est très difficile;
-I Corinthiens 11 doit donc être abordé à la lumière du ch. 14, et non le contraire.
Le rapport entre I Timothée 2.9-15 et I Corinthiens 14 et 11.
Dans
le premier texte, l' apôtre dit à Timothée comment il doit conduire une réunion
publique dans l'Eglise. Son instruction concerne non seulement l'Eglise
d'Ephèse, mais l'Eglise partout (2.1, 8). 1 Timothée 2.9-15 se réfère
ainsi au culte public. Si tel n'était pas le cas, il y aurait
une contradiction avec 1 Corinthiens 14, où l'apôtre distingue entre le silence à observer
dans les assemblées et la discussion ailleurs, en particulier, à la maison.
La prière dans le culte est conduite par un homme (aner). Ces indications
sont données avant l'enseignement relatif à la fonction de «1'episkopos» qui
doit être
le mari d'une seule femme et qui prend soin de l'Eglise de Dieu,
l'assemblée
(3.5).
Qu'apprend-on au sujet des femmes?
-en premier lieu, leur statut social est indiqué. Il s'agit de femmes
riches, qui pouvaient prétendre, en Asie Mineure, obtenir des positions
importantes dans la société, y compris celle de grand prêtre du culte
impérial, position occupée aussi par des hommes. Dans nos sociétés
modernes, les distinctions s'expriment en termes de nation, de race et
de sexe, principalement, alors que, dans l'antiquité,
elles concernaient la classe sociale et la richesse.
-à ces femmes riches (voir aussi 1 Pi 3.3), de position sociale
peut-être plus élevée que l'episkopos, l'apôtre donne des indications
précises:
a: que la femme s'instruise en silence en toute soumission
b. je ne permets pas à la femme d'enseigner
b. ni de prendre autorité sur l'homme
a. mais qu'elle demeure dans le silence.
c. Car Adam... (la raison est donnée).
-l'attitude de la femme doit être celle d'un esprit paisible (hesychia), ouvert à l'instruction,
ce qui est bien différent de l'observation du «silence» pour lui- même. Vis-à-vis
de qui doit-elle faire preuve d'une entière soumission? De son mari ou
de l'enseignant? Dans le cadre du culte, dont il est question ici, il s'agit
de celui qui est apte à l'enseignement (2.12 et 3.2). La femme, quant à elle,
ne doit pas enseigner; cette fonction est, dans les épîtres
de Paul, celle de l'ancien (I Tim 4.11; 2 Tim 2; Tite 1.5, 9). «Didaktikos» est
quasiment synonyme de «presbyteros» et «d'episkopos». Ceci nous conduit à estimer
que la femme ne doit pas enseigner, comme ancien, au sens de conducteur de l'assemblée,
celui qui officie dans le culte public. Ce serait exercer une autorité sur l'homme
dans l'Eglise. (J'imagine que, dans l'Eglise d'Ephèse, il y avait des femmes
de culture élevée qui, occupant une position sociale importante, pensaient pouvoir
accéder à cette charge).
Venons-en à I Corinthiens 14 et 11. Le chapitre 11 a
deux parties. Dans les vv. 1 et 2, Paul loue les Corinthiens d'avoir suivi
ses recommandations. A partir du v.17, en revanche, il s'y refuse, car ils
ne l'ont
pas fait. Nous voyons ainsi l'apôtre aborder le même sujet de façon négative
et positive. Ce ch. 11 marque le commencement d'une nouvelle section dans
l'épître.
La deuxième partie du ch. 11 concerne le culte public, comme aussi les ch.
12- 14. La première partie du chapitre traite aussi du culte et des attitudes
d' hommes et de femmes dans l'assemblée. Le verset 2 parle de «traditions» et, à la
lumière de 11.1 et de 11.23, nous comprenons qu'il s'agit de traditions dont
l'origine remonte à la pratique et à l'enseignement de Jésus. C'est pour
cette raison que l'apôtre ne reconnaît aucune autre coutume dans l'Eglise
(11.16).
Comment comprendre le parler de 14.34 et 35? Trois solutions
sont possibles:
a) ou bien l'apôtre interdit aux femmes de prendre la parole sous
quelque forme que ce soit: langue, prophétie ou prière. La difficulté
réside, ici, dans le fait que le désir de parler en langues ou de
prophétiser est général,
commun à tous et autorisé pour tous.
b) ou bien l'action de parler est un bavardage des femmes
dans l'assemblée. Mais cette acception du mot n'existe que dans le grec classique
et jamais dans celui du Nouveau Testament.
c) ou bien le parler en question est spécifique, lié à l'exercice
de l'autorité dans l'assemblée et correspond à l'enseignement dispensé au
cours du culte public devant toute l'Eglise assemblée.
Au ch. 14, Paul fait allusion au ch. 11.
1 Timothée 2 et 1 Corinthiens 11
parlent du culte de l'Eglise. Dans 1 Timothée 2 et 3, la femme ne doit pas
occuper la charge «d'episkopos-didaktikos», assumer l'office de celui qui
conduit l' assemblée dans la prière, la prophétie et l'instruction. Le fait
que l'apôtre fait référence à la soumission et à la loi dans
1 Corinthiens 14 indique que son argument concerne non pas n'importe
quelle façon de parler, mais le fait de parler quand on a une position de responsabilité (ou
d'autorité). Ceci ne veut pas dire, bien sûr, que la femme ne peut pas
prier ou prophétiser. La restriction concerne ces fonctions exercées officiellement
par le responsable de l'assemblée.
Si tous peuvent prophétiser selon 1 Corinthiens 14.23- 24, il s'agit
ici d'un charisme donné à tous et qui n'implique pas une position d'autorité dans
l'assemblée. 14.33b renvoie à 11.16 et aux traditions établies (voir aussi
la question rhétorique dans 14.36). Dans ce cas, le silence des femmes
indique non les charismes, mais la charge de conduire l'assemblée.
Interprétation de l Corinthiens 11 à la lumière de 1 Corinthiens 14
Comment comprendre la complémentarité des chapitres Il et 14 de I Corinthiens?
-L'apôtre expose tout d'abord des principes généraux d'autorité: Christ-homme; homme-femme (3).
-La suite développe ce point. L'homme ne doit pas nier son autorité
principale en dissimulant son chef, sa tête, matériellement. Quand il
prie et prophétise, il occupe une position d'autorité, de chef. Ainsi
prier et prophétiser sont des fonctions d'autorité, liées au rapport
Christ-homme I homme-femme qui nécessitent un chef non-couvert (4).
-Si une femme occupait une telle position, elle devrait se présenter le
chef non couvert (5). Mais cela serait refuser l'autorité de l'homme
(voir Nom 5.18). Cela équivaut à être rasée; cela déshonore la femme
(pensons au sort des collaboratrices des nazis à la Libération). Dire
que la femme ne doit pas avoir la tête découverte revient à dire qu'elle
ne doit ni prier, ni prophétiser en occupant une position de
responsabilité à la place de l'homme. Ce serait renverser l' ordre
homme-femme du v.3.
-A partir du v. 7, l' apôtre aborde la même question d'un autre point de
vue. Au commencement, l'homme a été créé pour occuper une position de
responsabilité, comme image de Dieu (8,9). La femme, elle aussi image de
Dieu, à titre égal, a été créée comme vis- à-vis de l'homme et
l'exercice de sa responsabilité est seconde par rapport à celle de
l'homme (10).
Au plan humain, ceci reflète la structure «Dieu-Christ» qui existe en
Dieu. Cependant l'apôtre n'ignore pas que, depuis la Chute, le danger de
la tyrannie masculine existe et, pour cette raison, il affirme (11) que
l'homme n'est pas sans la femme, comme le Père n'est pas sans Christ. Egalité de nature, diversité de fonctions et de rôles sont à l'ordre du jour...
-au v. 13, l'apôtre revient à son propos principal. Le rapport homme-femme est créationnel. La nature pour Paul indique toujours un ordre de création. Il n'est pas naturel pour la femme de se présenter le chef non-couvert, c'est- à-dire de prier ou prophétiser avec autorité comme le fait l'homme-responsable de l'assemblée.
Les cheveux longs, non déliés, lui servent de couverture naturelle (ce
voile n'est pas un foulard mais plutôt un chignon. Il est très peu
probable que, dans les cités grecques, les femmes aient porté le voile
oriental).
-l'ensemble de ce passage s'accorde bien avec le ch. 14 où Paul expose
les règles à observer pour parler dans l'assemblée. Tous peuvent parler
selon leur charisme; mais la femme doit se taire, c'est- à-dire, ne pas parler comme si elle était un officiant: ce serait une marque d'insoumission (14.34).
Les raisons de l'apôtre Paul
Les textes examinés se réfèrent à la Genèse. Si l'on prétend que l'apôtre argumente
ainsi en raison de son époque, selon une conception révolue de l'autorité, que
ses enseignements sont de circonstance ou qu'il a mal compris la Genèse, on oublie
quelle est sa raison fondamentale.
Si l' apôtre avait recommandé aux femmes de
rester dans le silence sans donner de raison, il aurait été possible, à la limite,
de considérer ses paroles comme circonstancielles, mais tel n'est pas le cas:
il s'exprime en faisant référence à la création:
-en 1 Corinthiens 11v.8-9, il évoque l'ordre et le but de la création de la
femme;
-en 1 Timothée 2.13-14, il rappelle que l'homme a été formé le premier et
que la femme a été séduite
et non l'homme.
Le parallèle est évident. L'apôtre se réfère non seulement à la
chute mais à l'intention de Dieu à l'origine. Ces modèles sont considérés
comme valables pour l'ordre de l'Eglise.
Quelle importance ces textes bibliques
ont-ils pour la notion de l'autorité dans
l'Eglise?
-Dieu est le chef du Christ incarné, comme l'homme est le chef
de la femme. Il y a une dépendance mutuelle, mais aussi un ordre. Le
principe de «primauté» est le fondement de l'autorité. La restauration
après la chute inclut également celle de la primauté de l'homme (Gen
3.16,20). En conséquence, si une femme exerce l'autorité sur l'homme,
elle fait abstraction du principe créationnel et celui de la
restauration institués par Dieu, c'est-à-dire de sa fonction même.
-Le fait qu'Eve et non Adam ait péché est accessoire. Adam a été formé le
premier... et il n'a pas été séduit. ..La
séduction à laquelle Eve a succombé n'est pas le signe d'une faiblesse
féminine, mais l' expression d'un renversement de la structure d'autorité établie
par Dieu et fondée sur la primauté de l'homme. Voilà pourquoi l'apôtre
parle du péché d'Adam; c'est Adam qui assume la responsabilité du
couple.
L'apôtre considère que la structure d'autorité instaurée à la
création est valable pour l'Eglise; elle doit être adoptée et transformée
par la grâce de Christ, aussi bien au sein du peuple de Dieu que dans
le couple chrétien. Le modèle de l'incarnation Dieu-Christ complète le
modèle de la création (11.3 et 8). Le rapport homme- femme relève
des deux.
Rôles, autorité et valeur
Très souvent, on se réfère à la valeur que Jésus reconnaissait aux femmes ou à leurs
dons, comme ceux de prophétie et de service mentionnés dans le livre des Actes,
pour conclure que l'enseignement de Paul sur l'autorité
de l'«episkopos» doit être transcendé. En effet, refuser l'exercice du ministère
d'autorité à la femme ne revient- il pas à considérer celle-ci comme dénuée des
qualités nécessaires et donc comme inférieure à l'homme? Cette question est mal
posée car, dans le Nouveau Testament, une différence d'ordre n'implique pas une
différence de valeur. De plus, cet argument porte en lui un cléricalisme larvé non-biblique,
puisqu'il suggère également que tout homme ayant une responsabilité de direction
dans l'Eglise est supérieur aux autres. La Bible s'en prend souvent à ceux qui
ont des positions d'autorité politique, sociale ou religieuse en soulignant l'insuffisance
de leurs qualités profondes et elle établit un contraste, à cet égard, entre
eux et les sans-puissance. L'exhortation de Christ à rechercher non pas l'autorité mais
le service ouvre une autre voie.
L'apôtre Paul tient en grande estime la femme
et son service (Rom 16) tout en s'opposant au pastorat féminin. La valeur
que l' on a et l' estime dont on bénéficie n' aboutissent pas nécessairement à l'octroi
d'une position d'autorité. W. Edgar souligne la distinction nécessaire entre,
d'une part, les dons et les charismes et, d'autre part, la vocation et l'ordre
dans l'Eglise. Ce que Paul dit sur le rôle des femmes ne concerne pas leurs
capacités,
mais sa vision de leur vocation. La question n'est pas de savoir si les femmes
ont les capacités pour être pasteurs, mais de discerner si, selon la Bible,
c'est leur vocation. Paul répond que les femmes n'ont pas cette vocation.
La femme, sans aspirer à devenir responsable de l'Eglise, doit accomplir
sa vocation créationnelle de vis-à-vis (qui comprend, mais ne se limite pas, à celle
d'épouse et de mère de famille, à laquelle est associée son «salut»: 1 Tim
2.15). La personne de l'«episkopos» doit renforcer le principe fondamental
du couple, non le contraire. L'exercice par une femme de l' autorité sur
les hommes-époux dans l'Eglise implique un renversement de la structure de
responsabilité au sein du couple et des familles de l'Eglise; il dévalorise,
en même temps, la maternité des femmes qui sont mères. «Le souci de Paul
n'est pas culturel et superficiel. Ce qui se passe dans l'Eglise ne doit
pas renverser ou dévaloriser les rôles et donc les relations, enracinés dans
la création de Dieu, qui appartiennent respectivement aux hommes -époux et
pères -et aux femmes -épouses et mères.» (Barrett
dans Evangelical Quarterly, 1989,237)
Conclusion
Ces textes bibliques n'ont pas pour contexte la culture, mais la création
et la christologie. Ils sont donc transculturels et, ainsi, ne se périment
pas dans l'Eglise, où l'ordre créationnel n'est pas gommé, mais restauré et purifié.
Ils indiquent que le rôle d'autorité et d'enseignement dans le culte public incombe à l'homme
et que la femme ne peut pas y accéder sans déshonorer son «chef».
Ils ne traitent
pas de coutumes locales, mais de traditions qui remontent à Jésus ou, au
moins, aux apôtres; ils sont donc d'application générale: pour toute l'Eglise.
Ils ne dévalorisent pas la femme, car ils concernent non sa nature, mais
sa fonction. Les respecter ouvre, au contraire, la voie à l' exercice d'une
diversité de ministères,
autres que celui de conducteur-pasteur, qui soient utiles et bienfaisants
pour toutes et tous dans l'Eglise.
S'écarter de l'enseignement biblique à cet égard
me semble grave pour deux raisons:
-ce serait modifier le fondement apostolique de l'Eglise;
-ce serait permettre que s'établissent de nouvelles structures de
relations entre les femmes et les hommes dans les autres domaines de la
vie, surtout dans la famille, au sein de laquelle la subordination de la
femme n'est rien moins qu'un modèle
de comportement christique... comme c'est aussi le cas dans
l'Eglise;
-ma conviction en ce qui concerne le pastorat féminin est fondée sur trois
textes, interprétés selon l'analogie avec d'autres textes bibliques (avant
tout ceux de la Genèse, Ephésiens 5 et 1 Pieue 3.1- 7) traitant le rapport
créationnel homme-femme et la nature du ministère consacré. Ce fondement,
s'il peut sembler mince, est néanmoins largement suffisant. Aucun texte
sur le ministère
dans l'Eglise permettant aux femmes de devenir anciens-enseignants ne lui
est, en effet, opposable. Est-il permis de modifier les structures de l'Eglise
sans
une raison biblique explicite (voir 1 Corinthiens 14.36-38)?
Arguer du
silence de l'Ecriture sur le pastorat féminin ne revient-il pas à supposer
que celle-ci est insuffisante sur ce sujet? Pouvons-nous remplacer son
message explicite pour des raisons «culturelles et sociologiques» , finalement
très faibles, sans contrecarrer l'autorité de l' Ecriture sur ce point?
N'est-ce pas en adoptant une herméneutique
relativiste sur une question que nous nous ouvrons au pluralisme sur toutes
les autres?
Paul Wells
Paul Wells (1946 – ) né à Liverpool au Royaume-Uni, est professeur
de Théologie Systématique à la Faculté Jean Calvin, Institut de
Théologie Protestante et Évangélique à Aix-en-Provence depuis 1974, dont
il a été l’un des membres fondateurs en 1972.